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Jean 2.1-12

Dieu gardait le meilleur pour la fin

© Max Dauner

Entrée en matière

La Foi chrétienne ne se vend pas très bien de nos jours. La foi tout court, par contre, se vend extrêmement bien : la foi comme une attitude, la foi dans la pensée positive, la foi dans la foi. En même temps se vendent très bien de nouvelles fois bizarres: la foi dans les extraterrestres, la foi dans la Force, la foi dans les astronautes de l'antiquité, la foi dans l'astrologie – la foi dans presque n'importe quoi. Nous vivons une époque très crédule.

La raison en est probablement que, dans le domaine spirituel aussi bien que dans le domaine matériel, « la nature a horreur du vide ». Notre civilisation occidentale moderne est prête à gober presque n'importe quoi pour combler le vide laissé par la déchristianisation des quatre derniers siècles. Nous avons laissé tomber notre premier amour, le Dieu ancien, et maintenant, par dépit, nous sommes prêts à sauter dans les bras du premier nouveau dieu venu.

Pourquoi donc le Dieu ancien ne se vend-il plus très bien ? Il n'y a que deux raisons possibles : soit que le monde a changé, soit que nous avons changé. Quelle réponse est la bonne ?

Est-ce que les gratte-ciel et les bombes à laser et les ordinateurs rendent moins raisonnable la foi en Dieu ? Les découvertes en astronomie ou en médecine ont-elles prouvé que le Créateur des étoiles et du corps humain n'existe pas ? Pas du tout. Ce n'est pas dans le monde extérieur – le monde des anges et des insectes – qu'il faut chercher la raison pour laquelle la foi chrétienne ne se vend plus très bien, c'est en nous-mêmes. Non pas dans la physique mais dans la psychologie. Or, quels sont les besoins « consommateurs » remplis par la marchandise divine ? A quels manques dans la nature humaine la foi répond-elle ?

D'abord, nous avons besoin de connaître la vérité. Nous voulons vivre dans le monde réel, et non pas simplement dans un monde créé par notre propre imagination ou de celle de quelqu'un d'autre. La foi chrétienne prétend justement être la révélation divine de ce qui est vrai: le dévoilement de notre réalité et de notre destinée. La foi nous a-t-elle déçus sur ce point-là ? A-t-on réfuté ces doctrines ? A-t-elle fait faillite au point de vue intellectuel ?

Certainement pas. L'intelligence que les chrétiens ont du « dépôt de la foi » a sans doute grandi au cours des siècles. Entre Jésus et nous-mêmes, il y a l'apôtre Paul, Saint Augustin, Saint Thomas d'Aquin, Pascal et bien d'autres. Le corps mystique du Christ a connu une croissance non seulement en nombre mais aussi dans son approfondissement du mystère du dessein de Dieu. On ne peut donc pas prétendre que la foi a régressé dans le domaine intellectuel.

Un deuxième besoin humain, dans le domaine moral cette fois, c'est la bonté. Que dire de cet aspect de la foi : la mise en pratique de la sainteté dans la vie?  Ici aussi nous pouvons constater un progrès. Entre Jésus et nous-mêmes il y a des millions de saints, connus et inconnus, dont la vie recommande la foi d'une manière bien plus probante que tous les bouquins des grands théologiens.

Il y a un troisième besoin humain : la joie. Et c'est là que le bât blesse. Alors que l'intellect chrétien et la volonté morale chrétienne ont mûri, le coeur chrétien, l'imagination chrétienne, s'est ratatiné : notre sens de la beauté, de la gloire, du sacré, de la magnificence, de l'émerveillement. Nous associons ces qualités-là au moyen âge plutôt qu'à l'époque moderne. L'idée que nous nous faisons de Dieu et de son dessein pour nous est sans joie.

Cela ne me plaît pas du tout de jouer le rôle de prophète de malheur, croyez-moi. D'un autre côté, il ne faut pas crier « Paix ! Paix ! » alors qu'il n'y a pas de paix. Il ne faut pas crier « Joie ! Joie ! » alors qu'il n'y a pas de joie. Vous croyez que j'exagère ? Regardez autour de vous. Parlez au chrétien moyen. Allez voir dans les églises. Vous voyez toute la joie ? Quand je regarde autour de moi – ou encore pire, quand je regarde au-dedans de moi – je vois un manque de joie si flagrant et si ridicule qu'on dirait que la bonne nouvelle n'a jamais été annoncée.

La religion populaire c'est : « Dieu existe et aimez votre prochain ». Ce n'est pas là, mes amis, la joyeuse nouvelle ! En fait ce n'est qu'une pauvre platitude qui n'est ni nouvelle ni particulièrement joyeuse. Le théologien danois Sören Kierkegaard disait dans son livre Comment le Christ juge le christianisme officiel : « Je voudrais placer la religion populaire à côté du Nouveau Testament pour voir quels sont les rapports entre l'un et l'autre. S'il paraît, ou bien si moi ou quelqu'un d'autre pouvons prouver qu'elle peut se maintenir face au Nouveau Testament, alors c'est avec la plus grande joie que j'y adhérerai. Mais il est une chose que je ne ferai pas, pas pour tout l'or du monde. Je n'accepterai pas, que ce soit en supprimant ou en manipulant les faits, de donner l'impression que la religion populaire et le christianisme du Nouveau Testament sont la même chose. »

Une des différences majeures entre le christianisme du Nouveau Testament et la religion populaire c'est la joie totale, folle, du premier – la joie qui mettait des cantiques dans la bouche des martyrs – et l'absence flagrante de joie du second. On raconte l'histoire d'un vicaire anglican à qui un collègue demande ce qu'il attend après la mort. Il répond : « Eh bien, si les choses devaient en arriver là, je suppose que j'entrerais dans le bonheur éternel, mais je préférerais bien que tu n'abordes pas des sujets aussi déprimants. » Si la joie même est déprimante, alors quelle déprime !

Comment donc retrouver la joie ? Il n'existe pour cela aucun truc, aucune formule magique. La joie n'est pas quelque chose que nous pouvons générer à force d'y travailler. La joie est, tout simplement. Nous la recevons, nous ne la fabriquons pas. Le règne du Messie est descendu sur la terre. Le Fils de Dieu, le Logos fait chair, est venu vers nous, et il est notre joie. Il est tout ce que l'esprit humain a jamais pu imaginer, tout ce que le coeur humain a jamais pu désirer – et plus encore. Voilà la bonne nouvelle. Voilà la source de notre joie.

Les deux ingrédients de la religion populaire sont un genre de foi (Dieu existe) et un genre d'amour (aimez votre prochain), mais il lui manque l'espérance. Et c'est l'espérance qui nous remplit de joie. Romains 12.12 (TOB) : 12 Soyez joyeux dans l'espérance.

Introduction

Nous abordons dans notre texte, Jean 2.1-12, le premier des miracles de Jésus rapportés dans le quatrième évangile : l'eau transformée en vin aux noces de Cana. À première vue, ce miracle paraît un peu frivole ; l'occasion ne semble pas mériter un prodige de la toute-puissance divine. Après tout, il ne s'agit pas de rendre un fils unique à une veuve éplorée, de guérir un malade cruellement tourmenté, de soulager un malheureux dans son extrême nécessité. Non, il s'agit simplement de tirer d'embarras une famille, à qui le vin va manquer pour célébrer un mariage. Un peu mince comme justification. Pourquoi donc Jésus va-t-il s'amuser à se mêler de cette histoire ?

C'est Jean lui-même qui définit pour nous la portée de cet épisode. Jean 2.11 (TOB) : 11 Tel fut, à Cana de Galilée, le commencement des signes de Jésus. Il s'agit donc d'un « signe », et ce sera à nous de chercher ce que peut bien signifier ce signe : le sens du geste accompli par Jésus et pourquoi Jean a jugé important de nous le raconter.

Or, un signe est beaucoup plus qu'un acte de puissance fait pour épater la galerie. Je ne sais pas si vous y avez jamais réfléchi, mais vous vous rendez compte des coups spectaculaires que Jésus aurait pu réussir s'il l'avait voulu ? Il aurait pu entrer dans Jérusalem, lever les bras au ciel et faire monter tous les juifs dans les airs et les laisser là, suspendus dans le vide à vingt mètres du sol, jusqu'à ce qu'ils acceptent tous de croire en lui. Il aurait pu soulever une montagne et la laisser tomber au milieu de la mer. Mais Jésus ne fait jamais un miracle simplement comme une démonstration de puissance brute. Tous ses prodiges sont porteurs d'un enseignement.

Voilà pourquoi Jean utilise le mot « signe ». Par définition, un signe doit signifier quelque chose. Il renvoie à autre chose que lui-même, il indique sous une forme sensible une réalité plus grande que lui. Comme, par exemple, quand vous dites : « Ce cadeau est un signe de mon affection ». On peut penser également à ces panneaux indicateurs illustrés qu'on voit sur l'autoroute. Voir le dessein de la cathédrale Saint Pierre sur le panneau ne veut pas dire que vous pouvez tout de suite vous ranger au bord de la route, que vous êtes déjà entré dans Montpellier. Mais il y quand même un rapport : le panneau vous fait savoir que vous allez dans la bonne direction, que vous vous approchez du but.

De même, un signe est un présage, un pressentiment, une préfiguration qui commence déjà, symboliquement à réaliser ce qu'il annonce. Par exemple, en rendant la vue à un aveugle-né, Jésus fait pressentir qu'il est la lumière du monde. En ressuscitant Lazare, il présage sa propre victoire sur la mort. Ces signes signifient que Jésus va nous apporter la lumière et la vie.

En abordant notre texte, il ne faut donc pas oublier qu'il y a un sens « caché » à discerner dans ce qui se passe. C'est normal, nous sommes en présence d'un signe. Ne soyons pas déconcertés si l'action se déroule à deux niveaux différents en même temps : un niveau littérale, matériel, évident – ce qui se passe concrètement lors d'un repas de mariage ; et un niveau symbolique que nous pouvons deviner en lisant un peu entre les lignes.

Le récit lui-même se divise facilement en trois parties: le dialogue entre Jésus et sa mère (versets 1 à 5) ; le signe accompli par Jésus (versets 6 à 10) ; et la conclusion de Jean (versets 11 à 12).

Jésus et sa mère devant l'heure

Jean 2.1-2 (XLD) : 1 Et le troisième jour il y eut une noce à Cana de Galilée, et la mère de Jésus était là. 2 Jésus fut invité à la noce, ainsi que ses disciples. Nous nous trouvons, deux jours après la vocation de Nathanaël, dans le village de Cana, situé à une quinzaine de kilomètres au nord de Nazareth. Dans l'Israël du premier siècle, la fête des noces est l'événement numéro un de la vie sociale. Les festivités se prolongent normalement durant plusieurs jours, parfois toute une semaine. (Ce qui ne devait pas arranger tellement les mariés : « Ce n'est pas qu'on s'ennuie, les gars, mais… ».) Jésus se trouve parmi les invités, avec sa mère et ses disciples, probablement les cinq mentionnés au chapitre 1 : André et son compagnon anonyme, Simon Pierre, Philippe et Nathanaël. Voilà: le décor est planté, les personnages sont en place, l'action peut débuter.

Jean 2.3 (XLD) : 3 Comme le vin manquait, la mère de Jésus lui dit : « Ils n'ont plus de vin. » On a voulu voir, dans cette phrase de Marie, une demande de miracle, mais là, c'est forcer le sens du texte. En fait, Marie ne demande rien du tout. Elle se contente de faire part à son fils de la situation : « Voilà! Ils n'ont plus de vin ! Que vont-ils faire ? » Elle constate un manque et exprime son souci, mais rien n'indique qu'elle suggère à son fils de faire un miracle.

Derrière les paroles de Marie, au plan symbolique, nous pouvons entendre s'exprimer le reste fidèle d'Israël – les vrais juifs, ceux qui attendent le règne du Messie et les bienfaits divins qu'il doit apporter. En effet, le vin, et surtout un vin surabondant, symbolise souvent dans la Bible la joie que Dieu a promise à son peuple, la grande joie des temps du Messie. Joël 4.18 (FC) : 18 Un temps vient où les coteaux produiront du raisin en abondance. Amos 9.13 (FC) : 13 Le Seigneur dit encore : « Le jour vient où… l'on foulera les raisins peu après avoir semé le blé. Alors le vin nouveau ruissellera sur les coteaux, et toutes les collines en seront inondées. » Zacharie 9.16-17 (FC) : 16 En ce temps-là, le Seigneur Dieu sauvera son peuple comme un berger sauve son troupeau. Semblables aux pierres précieuses d'une couronne, ils resplendiront dans le pays, 17 où régneront le bonheur et la beauté. Blé et vin nouveau donneront de la vigueur aux jeunes gens et aux jeunes filles. Le vin coulera à flots quand le Messie viendra, symbole de la joie et de bienfaits spirituels surabondants.

Au niveau de l'événement concret, Marie parle d'un simple manque matériel. Jésus, lui, se place à un niveau plus élevé. Pour lui, Marie exprime, sans le savoir, la détresse spirituelle du vrai Israël qui attend douloureusement le salut promis par Dieu. Jésus voit en elle, en quelque sorte, la porte-parole des « pauvres en esprit », de « ceux qui pleurent », des «affamés et assoiffés de la justice » : tous les « vrais juifs » que même la « vraie religion », celle de Moïse, ne suffit pas pour satisfaire.

Dans un livre intitulé Malaise dans la civilisation, Freud disait que grâce à la technologie, nous avons réalisé la plupart des rêves que les sociétés du passé avaient projetés sur des dieux imaginaires. Nous sommes devenus nous-mêmes des dieux. Il pose ensuite une question merveilleusement simple : « Pourquoi donc ne sommes-nous pas heureux ? » Et il donne une réponse merveilleusement simple : « Je n'en sais rien. »

Bien sûr, il nous arrive de nous prétendre heureux. Nous courons après le plaisir, le pouvoir, la sécurité financière, le prestige professionnel, la santé, la réussite, et quand nous obtenons ces choses, nous faisons semblant d'être heureux. Mais au fond de nous-mêmes notre coeur sait ce que nous désirons vraiment : rien de moins que la plénitude de la joie, une joie débordante et parfaite, une joie céleste. Et cela, personne ne le possède. Sous la surface, en dessous des vagues superficiels de bonheur et de déprime qui se succèdent les uns aux autres, la soif de notre coeur demeure inassouvie.

Or, cette insatisfaction profonde a tendance, paradoxalement, à se faire ressentir le plus au moment où on s'y attend le moins. Non pas quand la vie est pleine de souffrances et d'épreuves et de privations, mais plutôt quand tout va bien. Tant qu'il nous manque quelque chose, nous pouvons nous leurrer par le raisonnement « si seulement » : si seulement j'avais ceci ou cela, je serais heureux. Mais une fois que nous avons tous nos « ceci » et « cela » et que nous sommes toujours insatisfaits, le mensonge est exposé. Voilà pourquoi notre société moderne de consommation et de technologie ne nous rend pas plus heureux que les civilisations précédentes.

Voilà la réponse à la question de Freud : Pourquoi ne sommes-nous pas heureux ?

Revenons à notre texte. Jean 2.4 (XLD) : 4a Jésus lui dit : « Qu'y a-t-il entre toi et moi ? » Cette phrase correspond à une formule hébraïque et marque ici une divergence de points de vue. On dirait peut-être en français : « Toi et moi ne sommes pas sur la même longueur d'onde. » Le souci de Marie c'est la situation immédiate, elle se demande comment les jeunes époux vont pouvoir sauver la fête. Jésus veut lui dire : « Nous ne nous plaçons pas sur le même plan ; toi tu juges humainement, avec des préoccupations humaines ; moi, je juge au plan de ma mission. » Là où Marie ne voit qu'une situation sociale embarrassante, Jésus voit, avec tout le symbolisme sous-jacent, l'occasion rêvée de commencer à montrer qui il est et ce qu'il est venu faire.

Jean 2.4 (XLD) : 4b « Femme ». Ce n'est pas exactement l'appellation normale d'un fils envers sa mère. (Je n'aurais jamais osé m'adresser ainsi à ma mère à moi !) Jésus n'est pas en train de se montrer irrespectueux; c'est le terme qu'il emploie pour s'adresser à toute femme. Jean 2.4 (XLD) : 4c N'est-elle pas encore arrivée mon heure ? » Jésus invite Marie à envisager la situation autrement, de plus haut. Il l'invite à découvrir que l'heure est venue pour lui d'intervenir en tant que Messie.

L'Heure de Jésus désigne toujours chez Jean le moment où il va accomplir définitivement le dessein de Dieu. Concrètement, cette Heure est celle de sa mort-résurrection-ascension. C'est là que Jésus manifestera pleinement sa gloire, c'est là qu'il nous apportera le salut, qu'il entrera dans son règne et qu'il révélera la vie éternelle. A proprement parler, l'Heure n'arrivera donc qu'à la fin de la vie du Christ, trois ans plus tard. Mais en attendant, cette Heure est déjà présente, par anticipation, sous la forme des signes que Jésus accomplit. Le miracle de Cana sera le premier signe, le premier panneau indicateur, annonçant l'Heure où Jésus réalisera pleinement la mission pour laquelle le Père l'a envoyé dans le monde.

Jean 2.5 (XLD) : 5 Sa mère dit aux servants : « Quoi qu'il vous dise, faites-le ! » Marie semble avoir compris qu'il va se passer quelque chose. Elle ne sait pas ce que son fils a l'intention de faire, mais il a laissé entendre qu'il allait intervenir et elle a une confiance totale en lui. Au plan symbolique, Marie parle à nouveau en représentant de l'Israël fidèle. Exode 19.8 (TOB) : 8 « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique. » Elle accepte d'avance les conditions encore inconnues de l'alliance nouvelle que Dieu va sceller par Jésus.

La transformation de l'eau en vin

Jésus ne va pas simplement faire un tour de magie, ni même un acte de puissance. Il va, symboliquement, donner à Israël le vin du festin messianique. Jean 10.10 (XLD) : 10 « Moi, je suis venu pour qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient surabondante. »

Jean 2.6-7 (XLD) : 6 Or il y avait là six jarres de pierre, destinées aux purifications des juifs et contenant chacune de quatre vingts à cent litres. 7 Jésus leur dit : « Remplissez d'eau ces jarres. » Ils les remplirent jusqu'au bord. Jean précise que les jarres de pierre étaient au nombre de six et qu'elles étaient destinées à la purification des juifs : deux détails importants qui ont pour lui une portée symbolique.

A la place des cruches de terre où l'on gardait normalement le vin, Jésus utilise des récipients de pierre réservés pour un usage religieux typique du judaïsme. Marc 7.3 (TOB) : 3 En effet, les Pharisiens, comme tous les Juifs, ne mangent pas sans s'être lavé soigneusement les mains, par attachement à la tradition des anciens. Ce que la Loi de Moïse ne pouvait que figurer symboliquement, ce que toute pratique religieuse ne peut que promettre sans jamais pouvoir accomplir, Jésus va l'achever pleinement, jusqu'au bord.

Ce symbolisme est confirmé par le nombre des jarres. Le chiffre six (un sept manqué, sept étant le chiffre de la plénitude et de la perfection divines) évoque au Juif l'idée d'imperfection. Il souligne ici combien l'ancienne alliance était imparfaite, incapable de purifier la conscience et de donner la vie. Galates 3.21 (FC) : 21 Si une loi [entendons « une religion »] avait été donnée qui puisse procurer la vie aux hommes, alors l'homme pourrait être rendu juste devant Dieu par le moyen de la loi. Et Dieu n'aurait pas eu besoin d'envoyer son Fils.

La dimension des jarres est elle aussi un détail plein de sens. Les six, remplies jusqu'au bord, contiennent dans les six cents litres, soit huit cent bouteilles de vin ! Voilà qui dépasse, et de loin, les besoins immédiats d'une petite fête de noces villageoise. Le vin fourni par Jésus ne remédie pas seulement à l'impuissance de la religion mais il dépasse tout ce que nous pouvons imaginer. 1 Corinthiens 2.9 (TOB) : 9 Mais, comme il est écrit, c'est ce que l'oeil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce et ce qui n'est pas monté au coeur de l'homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment.

Jean 2.8-10 (XLD) : 8 Il leur dit : « Puisez maintenant et portez à l'intendant du festin. » Il lui en portèrent. 9 Quand l'intendant du festin eut goûté l'eau devenue vin (il ne sait pas d'où cela venait, tandis que les servants savaient, eux qui avaient puisé l'eau), l'intendant du festin appelle le marié 10 et lui dit : « Tout homme offre d'abord le bon vin et, quand on est gris, le moins bon. Toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à présent. »

Le vin donné par Jésus est de qualité supérieure, reconnue par un expert. Vous vous en êtes rendu compte, l'intendant dit bien plus qu'il ne le sait. Au niveau concret, il se prononce sur ce vin matériel qu'on lui a servi. Au niveau symbolique, il proclame que Dieu, après avoir longtemps attendu, exauce à présent le désir profond de son peuple. « Tu as gardé le meilleur pour la fin. » Le bon vin du Christ vient après le moins bon de la Loi, et provient de l'eau des purifications. Quel symbolisme, n'est-ce pas ? Vous voyez maintenant pourquoi Jésus a fait ce miracle ? Origène a dit : « À Cana, le Seigneur apporte la joie. Avant sa venue, l'Écriture était de l'eau, après, elle devient du vin. »

Le commentateur Augustin Chometon dit au sujet de ce verset : « Le monde commence par la douceur, et finit par l'amertume. […] Flattez votre amour-propre, caressez vos sens, disant avec le monde que là où il y a de la peine, il n'y a point de plaisir, et vous tomberez dans l'amertume et le remords, et dans une région vide et ravagée, triste comme la mort. Jésus d'abord nous mène au sacrifice et à la croix, et parfois cela semble dur comme la mort; mais par cette porte austère, il nous fait entrer dans la région de la douce lumière, de la paix et de la vie. Ainsi a-t-il fait lui-même. Il est allé par la souffrance à la joie, par l'ignominie à la gloire et par la croix au ciel. Et il veut nous mener à sa suite, par le même chemin, au même but. »

Le prototype des signes

Jean 2.11-12 (XLD) : 11 En faisant à Cana de Galilée ce prototype des signes, Jésus manifesta sa gloire, et ses disciples se mirent à croire en lui. 12 Après cela, il descendit à Capharnaüm, ainsi que sa mère, ses frères et ses disciples, et ils n'y demeurèrent que peu de jours.

Dans les trois autres évangiles, Jésus inaugure son ministère public non pas par un miracle mais par une proclamation. Luc 4.18-19 (TOB) : 18 « L'Esprit du Seigneur est sur moi parce qu'il m'a conféré l'onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il m'a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, 19 proclamer une année d'accueil par le Seigneur. » Marc 1.14-15 (TOB) : 14b Il proclamait l'Evangile de Dieu et disait : 15 « Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s'est approché : convertissez-vous et croyez à l'Évangile. » Le mot « évangile » veut dire « bonne ou joyeuse nouvelle » ; un évangile doit faire naître de la joie. Voilà pourquoi la joie gicle de partout dans la prédication de Jésus.

Chez Jean, le signe de Cana tient lieu de cette proclamation. Elle montre en figure que le moment est venu où le Messie va accomplir le dessein de Dieu en faveur des hommes, où la promesse de joie, parfaite et infinie, sera pleinement réalisée. Une joie au-delà de toute mesure, dépassant tout ce que nous aurions pu demander, espérer ou même imaginer.

Conclusion

Cette joie n'est pas aujourd'hui un idéal lointain, mais une réalité présente ; elle n'est pas une promesse à attendre mais un don déjà accordé. Un don qui n'est pas accordé seulement aux «saints» et aux mystiques, mais à tous les chrétiens. Et ce don, c'est Dieu lui-même. Dans un sens, Dieu ne nous donne pas la joie, il est la joie. Dans le Christ il se donne lui-même (et donc la joie) en plénitude, sans mesure, sans limite. La seule limite vient de nous. Et cette limite ne correspond pas à notre mérite, elle correspond à notre désir. Dieu ne nous dit pas : « Que celui qui en est assez digne vienne recevoir la joie. » Il dit plutôt : Apocalypse 22.17 (FC) : 17 « Que celui qui a soif vienne, que celui qui veut l'eau de la vie la reçoive gratuitement. »

Quelqu'un dira : « Si Dieu veut vraiment ma joie, comment se fait-il que je ne connaisse pas cette joie, que je n'en fasse pas l'expérience ? C'est parce que je ne suis pas assez bon ? C'est parce que je ne fais pas assez d'efforts ? » Pas du tout. La vraie raison, c'est que vous n'y croyez pas.

Nous nous obstinons à croire le Premier mensonge, le mensonge qui nous a perdus dans le jardin d'Éden, le mensonge diabolique qui dit que le péché est amusant et que la sainteté est ennuyeuse, le mensonge qui prétend que faire sa propre volonté mène à la joie alors que faire la volonté de Dieu n'y mène pas du tout. Le diable nous raconte ce mensonge originel pour nous faire croire que Dieu est notre ennemi, pour nous amener à nous méfier de Dieu plutôt que d'avoir confiance en lui, et pour nous empêcher de nous réjouir en Dieu.

Il faut donc commencer par se poser la question: qu'est-ce que nous croyons au sujet de la joie ? Ce qu'il nous faut croire est extrêmement simple : c'est que Dieu nous aime avec simplicité, sans conditions et qu'il veut notre joie – non pas une joie mêlée d'autre chose, non pas une joie retenue, mais la joie pure, absolue, totale : sa joie à lui. Dieu n'est pas un avare. Il nous donne autant que nous sommes capables de recevoir, autant que nous voulons. Un franciscain, le Frère Giles, a écrit : « A votre avis, qui est le mieux disposé : notre Dieu, pour nous accorder sa grâce, ou nous pour la recevoir ? » Et moi je vous pose la question : À votre avis, qui est le plus prêt ? Dieu pour nous donner la joie, ou nous pour la recevoir ?

Accepter la joie, c'est reconnaître quelque chose qui ne vient pas de moi. Je ne peux pas mériter la joie, je ne peux pas créer la joie, ni pour vous ni pour moi-même. Je ne peux que la recevoir. Alors, ce serait vraiment dommage, ce serait une tragédie éternelle de refuser la joie de Dieu et de choisir le mensonge et le malheur par simple volonté de rien recevoir de personne. Jean 15.11 (TOB) : 11 « Demandez et vous recevrez, pour que votre joie soit parfaite. » Luc 6.38 (TOB) : 38 « C'est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante qu'on vous versera. »